De l’« invasion » à la nouvelle cité - Vers une Magna Europa by Yannick Le Guern
Article : De l’« invasion » à la nouvelle cité – Vers une Magna Europa
Laura Petrache et Yannick Le Guern ont créé un modèle d’intégration global, pérenne et européen des migrants pour transformer une crise en opportunité, basée sur un projet politique, sur des engagements citoyens individuels et collectifs renouvelés. Nous leur avons demandé si nous pouvions établir un rapprochement avec l’histoire de la Magna Graecia et en tirer un enseignement pour créer cette Europe humaine et visionnaire dont ils parlent, et qu’ils appelleront « Magna Europa ».
Propos recueillis par Karine Trotel – Magazine Ribelli, N°1, 2019
Qui êtes-vous ?
Laura Petrache et Yannick Le Guern, nous sommes entrepreneurs, citoyens globaux, engagés dans l’évolution de notre société et influenceurs d’un monde meilleur. Nous avons une société, B1-AKT Leading Sustainable Strategies and Paragon Communication (prononcer « Be One Act »).
Nous exerçons un rôle d’influence sur des questions sociétales au niveau européen ainsi que dans l’OGP (Open Government Partnership) pour favoriser la transparence de l’action publique, pour sa co-construction avec la société civile et pour l’innovation démocratique.
Nous avons créé un modèle d’intégration global, pérenne et européen des migrants pour transformer une crise en opportunité et s’inspirer des valeurs de la Magnia Graecia pour renforcer et créer une Magna Europa, une Europe humaine, visionnaire, basée sur un projet politique, sur des engagements citoyens individuels et collectifs renouvelée.
Quelles valeurs sous-tendent votre action ?
Nous réunissons dans un réseau international, les Global Sustainable Leaders (GSL), des têtes de réseaux, des acteurs entrepreneuriaux et associatifs, et des porteurs de projets qui sont dans une démarche d’action, d’innovation sociétale, d’intelligence collective, et sont ouverts à l’interculturalité ainsi qu’à une citoyenneté globale.
Nous revendiquons le fait que l’Europe est faite par des gens qui ont une volonté (Ernest Renant), une envie européenne (Paul Valéry), une idée (R.Shumann et J.Monet), et, un projet concrets (Y.Le Guern, L. Petrache).
Des valeurs à la fois humaines, de respect de l’autre, de dignité, de solidarité, de transmission, avec le désir d’innover, d’entreprendre et d’œuvrer à améliorer l’homme et la société. Comme dirait Gandhi, être le changement que l’on veut voir dans ce monde.
Notre rêve est européen et national. Notre projet est de contribuer à renouveler l’action publique locale, nationale et européenne et ses moyens de mise en œuvre, à la fois plus entrepreneuriaux, efficients, fondés sur des valeurs humaines créatrices de cohésion sociale et d’engagements citoyens dans le gouvernement de la cité. Nous oeuvrons à la création d’eutopies concrètes.
Sur quel type de projet intervenez-vous et sous quelle forme ?
Nous avons dessiné et mis en œuvre des solutions aux besoins immédiats et à long terme en matière de politique publique pérenne d’intégration des réfugiés et migrants, afin de faire face à la crise migratoire. Nous en avons conçu une approche inclusive et globale.
Nous avons bâti un dispositif européen d’intégration global et pérenne des migrants – « Migrant Integration Lab » (MIL) – par expérimentations et projets pilotes dans 7 pays de l’Union européenne.
Nous intégrons d’abord les migrants d’un point de vue linguistique, civique et citoyen, entrepreneurial et économique par un processus d’une durée de 3 mois. Nous les accompagnons ensuite sur des projets entrepreneuriaux pendant 18 mois avec des parrains chefs d’entreprise. Puis, nous formons et professionnalisons les acteurs et parties prenantes de l’intégration au niveau national. Enfin, nous pilotons l’écosystème d’intégration et mettons en réseau les bonnes pratiques et les acteurs au niveau européen grâce à des outils et plateformes.
Quelles sont les principales missions de votre dispositif « Migrant Integration Lab ? »
L’Humain et le fonctionnement de nos sociétés sont complexes. Les solutions simplistes sont de l’ordre du discours et sont irréalistes. Seules des approchent globales, sociolinguistiques, civiques et citoyennes, économique et entrepreneuriales sont viables et durables.
Le parcours d’intégration permet ainsi aux migrants de développer de l’autonomie linguistique, des aptitudes à créer des liens sociaux et professionnels pour accéder au marché du travail, à l’autonomie économique, et à l’intégration sociale en exerçant leurs droits et devoirs.
Il permet de développer de manière pérenne l’intégration économique des nouveaux arrivants en fonction des besoins des territoires et de favoriser leur inclusion sociale. Le MIL permet de rendre les migrants autonomes et de faciliter leur intégration par l’acquisition ou le développement de compétences mais aussi de renforcer leurs capacités d’action au sein d’un laboratoire de formations-accompagnements. Ce dispositif favorise l’insertion professionnelle et l’élaboration de projets entrepreneuriaux ou de subsistance. Il crée du dialogue, des rencontres et de la compréhension mutuelle, des mœurs communes entre migrants et population nationale.
Quels sont les enjeux associés à une intégration appréhendée dans sa globalité et dans la durée ?
Les enjeux sont capitaux et globaux : soit on tire parti d’une crise et on crée de la valeur ajoutée, des innovations sociétales et du dialogue entre les populations avec un renforcement de notre culture et de nos identités (nationales et européennes) soit, à court, moyen et long termes, nous aurons des problèmes de tension, d’affrontements, et des effets négatifs à 3 ou 4 générations comme c’est déjà le cas.
Selon leur provenance, de nombreux migrants ont des diplômes de l’enseignement supérieurs. Ils sont jeunes, adaptables et ont une volonté farouche de s’intégrer. A chaque Etat et à l’Europe de faciliter cette intégration pour renforcer son modèle et sa culture commune.
Vers quel modèle sociétal faut-il tendre ?
Les fondements et paradigmes de nos sociétés ont volé en éclat à la faveur de la globalisation, des crises financières, sociales, migratoires ou de l’avènement des enjeux digitaux. Nous sommes dans une phase chaotique qui doit être propice à la réflexion et à la création de projets politiques porteurs de sens, renouvelant les engagements individuels et collectifs et repensant les bases de notre identité individuelle, collective, nationale, et humaine.
Les enjeux consistent aujourd’hui à prévenir le fractionnement de nos sociétés et à créer un avenir commun. Le chevalier de Ramsay (Andrew Michael, écrivain et philosophe d’origine écossaise, NDLR) parlait déjà au 18ème siècle de la création d’une république universelle avec des principes similaires.
Ce sont ceux posés par les objectifs globaux de développement durable : de la préservation de la planète, à l’évolution de la société en passant par le respect de la personne humaine. C’est-à-dire la réalisation intégrée d’un développement économique, social et environnemental basé sur l’être humain et porteur d’évolution.
Notre dispositif est actuellement référencé parmi les bonnes pratiques européennes et, les appels d’offre européens en matière d’intégration, de migration et de citoyenneté sont basés sur notre travail.
Comment favoriser une prise de conscience individuelle et collective ?
C’est la tâche la plus ardue car sortir de la pensée binaire, de l’émotionnel, du compassionnel, de la posture politique demande de la réflexion, de la vision et du courage.
Nous avons lancé pour cela une campagne internationale de sensibilisation en faveur de l’intégration des migrants avec les étudiants du MBA de la Business School de l’Ecole Nationale des ponts et chaussées, dont les conclusions vont faire l’objet d’un livre blanc européen.
La campagne est baptisée « #NoWallsButBridges », selon la citation de Newton nous enjoignant à bâtir entre nous des ponts plus que des murs. Elle vise à mettre le sujet sur l’agenda politique et à activer nos élus et décideurs publics.
De la Magna Graecia à la Magna Europa ?
La magna Graecia est la politique d’expansion internationale du modèle grec (politique, culturel, organisationnel, etc.) par la méditerranée.
Actuellement nous avons un mouvement inverse créé par des flux migratoires, souvent traversant la méditerranée qui dans leur ampleur réelle ou fantasmée interroge nos modèles nationaux et supra-nationaux, à savoir européen qui nous amène à nous interroger sur le concept, le contenu, l’identité les valeurs, la vision, la culture et le projet européens.
L’effondrement des paradigmes actuels de notre société occidentale amène les populations à remettre en cause leurs modèles, à s’interroger sur leur identité et engendre des peurs et des rejets, de l’autre, des autres, des migrants, de l’europe, des communautés, …
L’enjeu actuel de l’Europe et des Etats-nations qui la composent, sous peine de dislocation et d’implosion est de produire un nouveau modèle Europeen basé sur les valeurs fondatrices de l’Europe – démocratie, paix, droit commun pour devenir une « Magna Europa »
Cette « Magna Europa » que nous appelons de nos vœux et créons par nos actions est forte de valeurs d’universalisme et ouverture, de renforcement des liens sociaux transnationaux, d’interculturalité et de construire ensemble.
La Magna Europa est le développement d’une culture humaine commune basée sur un projet politique européen des Etats nations qui la compose au sens de vision commune, construction commune, engagement commun, et, favorisant l’éducation, les projets, la culture commune (par les mœurs et pas par la religion comme disait Voltaire), l’autonomie des peuples et des individus par les engagements citoyens territoriaux, nationaux et supra nationaux.
No walls but bridges / créer des ponts et pas des murs :
Le Brexit, la crise migratoire, la montée des populismes ne sont pas une invitation mais une convocation… à créer une véritable démocratie européenne, entrepreneuriale i.e agissante, globale, participative, citoyenne, dans une réincarnation de valeurs partagées, pour progressivement passer du rejet au projet.
Pour aller au-delà des travaux et réflexions de Fukuyama, de Huntington, de Perec, d’Orwell et d’Hugo, de Mauss et de Durkeim, nous analysons, avec Laura Petrache, les mutations actuelles en matière d’identités politiques individuelles et collectives et la nécessité de créer un système démocratique d’engagement citoyen basé sur des identités hybrides se retrouvant dans des projets communs de société.
La politique, le gouvernement de la cité et de la nation a besoin d’être repensé par une citoyenneté individuelle et collective active. Des projets locaux, nationaux et supra-nationaux doivent être mis en œuvre, porteurs de visions et d’actions concrètes, basées sur des identités hybrides, ouvertes et incarnées, sur une volonté d’innovation sociétale et sur un pilotage. L’Europe doit devenir entrepreneure-sociétale.
La question fondamentale est : comment vivre dans, et, construire ensemble une société prospère où chacun peut se réaliser individuellement et apporter sa pierre à un projet présent et un futur commun. Il faut pour cela nous aligner sur des valeurs et des pratiques de coopération.
Du rejet au projet de société, notre devoir est de construire dès aujourd’hui et tous ensemble, les bases d’une démocratie intégrée, locale, nationale et supra-nationale pas simplement participative ou délibérative, mais véritablement agissante.
Il nous appartient de bâtir une humanité meilleure pour élever l’Homme et la Société, voilà le débat, voilà le projet pour tirer parti d’une la crise, sortir du chaos et accompagner une mutation vers un avenir souhaitable.
Yannick Le Guern et Laura Petrache, sont professeurs, entrepreneurs et prospectivistes, co-fondateurs du Think Tank « Be One – Shapping a better future »
Article téléchargeable ici : http://s230464179.onlinehome.fr/wp-content/uploads/2020/03/Ribelli-Re-evolution-Cultura-Magna-Graecia-Europa-Le-Guern-Petrache-B1-AKT-.pdf
Version italienne : http://s230464179.onlinehome.fr/wp-content/uploads/2019/12/Ribelli-Re-evolution-Cultura-Magna-Graecia-Europa-Le-Guern-Petrache-B1-AKT-Italiano-.pdf